Pourquoi je n’ai pas voté la proposition de loi fin de vie sur l’aide à mourir?

Depuis que vous m’avez élu député il y a bientôt un an, ce texte est sans aucun doute celui qui a fait le plus appel à mes convictions les plus personnelles, tant elle touche à la conception profonde que chacun se fait de la société que nous voulons bâtir ensemble. 

J’ai bien conscience qu’en m’opposant à cette loi sur l’aide à mourir, j’ai pu décevoir certains d’entre vous, d’autant plus que si l’on en croit les sondages, les Français y seraient très majoritairement favorables. 

Fondamentalement, je crois que ce que nous voulons tous, c’est d’abord un droit a ne pas terminer notre vie dans la souffrance, ce que permettent dans l’immense majorité des cas les progrès conjoints du traitement de la douleur et la meilleure formation des soignants. 

Si je suis le premier à revendiquer un droit à ne pas souffrir, pourquoi ne suis je pas favorable au droit à mourir ? 

J’ai été marqué par les témoignages des soignants qui œuvrent quotidiennement auprès des malades en fin de vie, en unité hospitalière ou en équipe mobile en soins palliatifs, y compris à domicile. Toutes ces personnes dont on ne saluera jamais assez le dévouement m’ont dit à quel point la demande de mort régulièrement exprimée par un patient s’effaçait presque toujours face au traitement de la douleur tant physique que psychologique, face à la bienveillance et l’attention de chaque instant. C’est dire si l’autre proposition de loi concernant les soins palliatifs prend tout son sens. L’Assemblée Nationale a voté à l’unanimité pour leur renforcement et leur systématisation sur l’ensemble du territoire. Elle devra concrétiser cette bonne intention dans le prochain budget de la Sécurité Sociale, dans un contexte budgétaire très alarmant, ce qui obligera peut être à faire des choix.  

La seconde raison majeure qui m’a conduit à ne pas voter en faveur de ce droit à mourir vient des enseignements tirés de l’expérience de pays qui le pratiquent depuis plusieurs années. Le cas du Québec m’a particulièrement interpellé. Aujourd’hui, l’euthanasie ou le suicide assisté y représentent près d’un décès sur 10 avec une surreprésentation des personnes les moins favorisées économiquement et les plus isolées socialement. En clair, de manière non avouée, faute d’accompagner les plus fragiles et les plus démunis, on les conduit à écourter leur existence.  

Certes, les défenseurs du texte sur l’aide à mourir ont inscrit dans la loi des critères encadrant ce droit, je les crois sincères. Pour autant, je ne crois pas qu’ils puissent résister à une interprétation extensive dans certains cas, en particulier quand l’entourage du patient – même conscient mais forcément affaibli- ne sera pas bienveillant, ce qui malheureusement peut arriver. J’ajoute que ces critères, comme cela a été le cas dans d’autres pays, risquent à terme d’être élargis par le législateur lui même, ne serait ce que sous la pression de certains de mes collègues qui revendiquent d’ores et déjà d’ouvrir ce droit à mourir aux mineurs ou aux malades ayant donné une directive anticipée même s’ils ne sont plus en capacité de la renouveler.  

J’ajouterai un dernier point très personnel et je comprendrais qu’il ne soit pas partagé. Pour moi, il n’y a aucune indignité à être diminué, à avoir perdu ses facultés et être dépendant en fin de vie. C’est même le lot de chaque être vivant avant sa fin. 

Ce qui serait indigne pour moi c’est que la société, à commencer par l’entourage proche quand il y en a un, ne soit pas capable d’accompagner avec humanité l’un de ses membres jusqu’au bout.